Lycée Seikoku
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 Nevermore

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AuteurMessage
Kaarasu Takami
Sous-chef du clan Mikari | Ptit maudit
Kaarasu Takami


Messages : 71
Date d'inscription : 01/12/2013
Localisation : De l'autre côté du miroir

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MessageSujet: Nevermore   Nevermore EmptyLun 2 Déc 2013 - 3:11

Première Partie





Qu’est-ce qui m’arrive ?
 
Honnêtement, je ne cherche plus à comprendre. Tout ce qui se passe autour de moi, tout ça me laisse l’arrière-gout amer d’une odieuse mascarade à laquelle je n’ai pas été invitée. On se joue de moi, pas vrai ? Chaque heure dissimule une autre couche de non-dits, chaque question sans réponse, une autre couche d’angoisse vaine… Je n’ai jamais été une fille spécialement brillante moi. Mes notes n’ont jamais dépassé la moyenne, je ne lis pas beaucoup & ma culture générale se limite aux normes. Les énigmes tarabiscotées, ce n’est pas mon truc. Ça m’épuise et, au bout de compte, j’irais même jusqu’à dire que ça me rend malade. Alors je me dis tout simplement qu’il n’y a jamais rien eu à comprendre.
 
 Au fond, je suis surement folle. 
 
 Tout le monde le pense, mais personne n’ose m’en parler directement. Un fou n’est pas supposé savoir qu’il l’est, non ? 
 
 Je ne crois pas que je suis folle… enfin, je sais, au fond de moi que je ne le suis pas… Mais la vérité s’annonce trop laide, trop compliquée et trop éprouvante pour que je veuille vraiment la découvrir. Ce qu’il me reste à faire donc (et c’est ce que tout le monde attend de moi) c’est de me dire que tout cela n’était qu’un long rêve tumultueux et que désormais, mon existence redeviendra fade et des plus monotones.
 
 La lumière froide des matinées de décembre me glace à travers la fenêtre de ma chambre. Dehors, les branches des arbres nus s’agitent maigrement au gré du vent nordique, s’entrechoquant comme des doigts squelettiques désespérés. Sur l’une des branches suffisamment grosse pour résister au vent, un oiseau noir et lugubre me donne l’impression désagréable qu’il m’espionne en permanence. Depuis combien de temps suis-je ici ? Dans cette chambre beaucoup trop propre, qui empeste l’antibactérien & le détergent au citron. Scotchée à ce lit inconfortable, un tube suspect enfoncé dans le bras m’administrant constamment une substance obscure dont je ne connais même pas le nom. Je déteste cette chambre. Je déteste cet hôpital au grand complet. Je déteste le garçon par la faute duquel je me suis retrouvé ici… 
 
 D’ailleurs, je ne me rappelle que trop bien de la première fois ou je l’ai vu.
 
 C’était un moment si banal que je me demande encore comment je peux m’en souvenir avec tant de précision. Surtout que, à en croire ce que tout le monde raconte, cela n’était que le commencement d’un rêve que j’aurai vécu jusqu’au bout en solitaire.

**

 C’était en octobre, juste au début de l’automne. Au moment de l’année que je préfère par-dessus tout. Là ou toutes les feuilles des arbres sont gorgées de cette indescriptible lumière chaleureuse qui caractérise le départ de l’été. Le matin, notre professeur principal a annoncé à la classe que nous devrions accueillir un nouvel élève. En gros, c’était la même exacte scène qui qualifie le début de tellement de mangas.
 
 Il est entré, et sur le coup, je ne lui ai pas vraiment accordé d’attention. Ce n’est qu’en entendant les murmures fuser autour de moi que j’ai daigné relever la tête. C’était un petit brun, pas très imposant, à la chevelure en bataille et au regard quelque peu étrange. C’est tout ce qui m’a marqué, chez lui, son regard. Du reste, il avait tout d’un jeune homme parfaitement normal. Pas moche, disons même mignon, mais pas non plus digne de mettre toutes les filles à ses pieds. Mais ses yeux… ses yeux avaient quelque chose de captivant, d’inconnu, comme s’il découvrait la race humaine pour la première fois. Il donnait l’impression que… quelque part au fond de ses iris dansaient des hordes de démons que lui seul pouvait voir. Il s’est tourné vers le professeur, avec une expression froide, vide et fermée, alors que celui-ci lui intimait de se présenter au groupe. 
 
- Takami Kaarasu desu. A-t-il dit d’une voix vide d’intention, comme s’il avait du apprendre cette ligne par cœur. Yoroshiku.*

**

 Le sinistre corbeau ne quitte pas sa branche. Il reste la, juste sous ma fenêtre, et regarde dans ma direction, me transperçant de ses petits yeux perçants. Et je me rappelle une nouvelle littéraire que Kaarasu m’avait fait lire, une fois, « The Raven » d’Edgar Allan Poe. Et je l’avais adoré. Maintenant, je la déteste.
 
 Le vent souffle une fois de plus, et je me dis qu’il y a trop de nuages ce matin. Le soleil ne se pointera pas aujourd’hui, visiblement.

**

 Takami-kun ne venait pratiquement jamais en cours. Plusieurs rumeurs circulaient déjà à son sujet, mais à ce moment là, j’avais d’autres préoccupations. Mes problèmes familiaux prenaient le dessus sur tout le reste. Bref, les gens l’avaient tous reconnus comme étant le fils du chef de la police, le sergent Takami Chizuro, qui avait eu sa photo en première page du journal il y avait de cela quelques mois. Mais ce qui courait à propos de son unique enfant avait de quoi faire froid dans le dos… On disait que c’était un psychopathe notoire, qu’il avait été interné en hôpital psychiatrique au début de ses années de collège & qu’il avait réussi à s’en échapper, grâce à je ne sais quel phénomène paranormal. Certains prétendaient qu’il apportait la malchance, et d’autres (les plus insouciants) colportaient la rumeur qu’il serait possédé d’un démon & qu’il aurait même participé à un véritable exorcisme !
 
 C’est fou ce que les lycéens peuvent inventer pour faire s’écouler les secondes plus vite… Enfin, pour résumer le tout je n’y portais pas attention. Ni au nouveau ni aux rumeurs qui le mettaient en vedette. 
 
**

 Dans « The Raven », le personnage principal se borne à déblatérer (délirer serait peut-être plus juste) à un disgracieux volatile au plumage d’obsidienne (juste comme celui qui se tient toujours là dehors) qui ne cesse de lui répéter cette phrase « Jamais plus. »  C’est étrange, mais depuis que j’ai lu cette nouvelle, ce bout de phrase (car ce n’en est même pas une à part entière, soyons francs)… ces deux mots ne cessent de me hanter… Comme s’ils étaient imprimés dans ma mémoire, marqués au fer rouge.
 
La nuit, quand je suis seule dans cette chambre et que le vent souffle en trombe dehors, je pourrais jurer que je les entends réellement… à voix haute, murmurés au creux de mon oreille… 
 
 Jamais plus.

**

 Il était la depuis une longue heure. Dehors, adossé contre un arbre, juste sous la fenêtre ou se déroulait le cours qu’il était en train de manquer. Takami-kun lisait. Sans bouger, il n’avait pas levé une fois le nez de son épais bouquin. D’ailleurs, ce livre semblait dater du dix-neuvième siècle… Et depuis le début, comme une idiote, je le regardais, naturellement. Au début, je ne lui avais lancé que de brefs coups d’œil, puis il m’était devenu de plus en plus intriguant… Qu’est-ce qu’il pouvait lire pour être à ce point concentré ? C’était insensé, je ne l’avais même pas vu cligner des yeux !
 
 Quand la cloche à sonné, je me suis naturellement précipitée dehors. En y repensant, j’ignore ce qui m’a pris. Après tout, ce n’était qu’un garçon qui lisait. Rien de spectaculaire. Ce n’était définitivement pas mon genre de m’emballer pour si peu… Alors allez savoir ce qui s’est réellement passé ce jour là. En vérité, beaucoup de détails clochent dans cette histoire… et rien que d’y penser me fait frissonner d’angoisse.
 
 Dès que je suis arrivée près de lui, Kaarasu a relevé la tête et m’a souris amicalement, comme s’il m’attendait, et me connaissait depuis toujours.
 
- Tu devais être impatiente que le cours se termine, à en juger par la façon dont tu me fixes depuis tout à l’heure.
 
 Ce sont là les premiers mots qu’il m’a adressé, à moi personnellement. Et, contrairement au ton froid & méprisant qu’il prenait lorsqu’il parlait à la classe ou a d’autres étudiants, il m’avait dit ces mots d’un timbre presque doux, complice, moqueur.  Comme si nous étions des amis de longue date & qu’il avait toujours aimé me taquiner.
 
- Qu’est-ce que tu lis ? Lui ais-je demandé, toujours un peu sous le choc.
 
- Les trois sœurs, de Tchekhov. A-t-il répondu, tout à fait détaché.
 
 Je me suis approchée comme si une force inconnue me poussait vers lui, et ai tenté de lire quelque peu par-dessus son épaule. Tous les symboles étranges qui noircissaient ces pages m'ont destabilisé. C’était tout sauf du japonais ça !
 
- C’est… Ais-je commencé, incertaine.
 
- Du russe.
 
- Ah…
 
 Du russe ?! Ce type lisait en russe ? Sincèrement ?
 
- Tu voudrais que je t’en fasse la lecture ?
 
Euh… quoi ? Ne comprenant pas trop ce qui était en train de se passer, j’ai détourné le regard vers la masse d’élèves qui se pressaient à rentrer chez eux, dans le décor rouge-jaune-orange de l’automne… Le vent et l’odeur de terre mouillée (typique des feuilles mortes) me détendit instantanément. J’adore l’automne. 
 
- Je… je ne comprends pas le russe. Fut tout ce que j’ai trouvé à répondre.
 
 Takami-kun eu un drôle de ricanement avant d’ajouter sur un ton moqueur ;
 
- Je m’en doute un peu.
 
 Et sur ce, sans rien ajouter de plus (pas même un seul regard dans ma direction), il commença à lire à haute voix, comme si le livre avait été entièrement écrit en japonais. C’était la première fois que je voyais une chose pareille ! Il lisait en russe et traduisait presque automatiquement chaque phrase en japonais, sans même avoir l’air de réfléchir… 
 
**

 Plus j’y pense, plus ça devient flou. Kaarasu avait des yeux captivants, mais… de quelle couleur étaient-ils ? Quand était sa date d’anniversaire ? Je suis en train de l’oublier… Et c’est ce qui me terrifie plus que tout. Oublier, ce serait comme admettre qu’il ne s’est jamais rien passé, non ? Reconnaître, en quelque sorte, que Kaarasu Takami n’a jamais été rien d’autre qu’un produit de mon imagination ?
 
 Rien que cette pensée me rend malade & apathique. Je refuse de voir les faits en face, je veux qu’on garde la réalité loin de moi ! Je veux… je veux…

**

 Depuis ce jour, je n’ai jamais arrêté de lui parler. Chaque matin, je me levais avec la seule envie de pouvoir le voir. Rien d’autre ne comptait. Il m’amusait, me faisait presque peur parfois, mais je ne pouvais tout simplement pas me passer de sa présence. Une journée sans lui parler devenait longue et triste. Même si parfois il se montrait quelque peu froid, ou qu’il avait de ces répliques crues et méprisantes, j’avais l’impression d’être ailleurs lorsqu’il était à mes côtés. Comme si, peu à peu, de manière insidieuse et rusée, il brouillait les barrières du réel, m’entraînant lentement au cœur de son propre monde… chaotique, abyssal, inquiétant mais au combien extatique.
 
 Je n’étais pas amoureuse de lui, mais je le voulais pour moi toute seule. Il était mon seul échappatoire a la triste & hideuse réalité dans laquelle j’étais forcée de vivre.
 
**

 Jamais plus je ne verrai ce sourire mi sadique mi amusé qui cachait tant de lourds secrets… Jamais plus il ne me surprendra avec un autre de ses talents peu communs, jamais plus je ne passerai mes soirées à lui parler par textos, ou je n’essaierai de déchiffrer ses raisonnements insensés ou ses brusques changements d’humeur… Jamais... Jamais plus...
 

J’ai envie de vomir. Mieux, de disparaître. 


***


*"Je suis Kaarasu Takami. C'est un plaisir."
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